Kitae appréciait les soirées mondaines. Il les appréciait parce que c’était le seul endroit où il se sentait véritablement à l’aise, en pleine possessions de ses moyens. Il connaît les codes, comprends les murmures, apprécie le bruit de l'argenterie, de l’orchestre en musique de fond.. bref, il était né pour ce genre de soirée, et il appréciait chacune d’entre-elles sans retenu.
Cette fois-ci, il n’avait aucune idée de la raison qui avait poussé la communauté à se réunir : un gala de charité ? un anniversaire de mariage ? un quelconque événement dont tout le monde se fichait ?
Qu’importe, tant qu’il pouvait se balader avec son costume aux prix de trois mois de salaire lambda et son jus de goyave, il était heureux.
Les discussions tournaient autour d’un tas de sujet, mais celui qui attirait particulièrement l’attention était le mariage proche d’une de ses cousines éloignées. Dans quelques mois elle serait mariée à l’une des plus grosses fortunes de la ville, et les conversations déviaient sans aucune difficulté vers Kitae à chaque fois qu’un groupe avait le malheur de croiser son regard. Mais il savait jouer, sourire éclatant et bouche en coeur. « Hyomin et moi ? Oh mais je ne voudrais pas vous gâcher la surprise. » Rire surjoué et tentative de s’éclipser. Bien évidemment que tout le monde attendait les fiançailles avec impatience. Ils atteindraient tous les deux leur majorité cette année et plus aucune excuse ne sera valable. Pour autant, à chaque fois que la question lui était posée, il pouvait sentir son estomac se nouer et sa poche devenir de plus en plus lourde.
Ce n’est que quand il a réussi à se défaire d’un énième groupe que son portable s’est mis à vibrer. Vibration caractéristique d’une alerte de swis. Ce n’était pas le moment, vraiment pas, et il attendait chaque mois avec la boule au ventre, terrifié que son secret soit percé à jour.
Il ne lui faut que quelques secondes pour repérer ce qu’il cherche. Son nom mêlé à celui d’Hojoo. Réflexion irrationnelle : Quel fumier. C’est surement lui qui a balancé l’info. Il peut déjà entendre les plaintes de Miyeon quant à la réputation qu’il donne à sa famille. Qu’importe, il a tué quelqu’un, elle peut bien supporter deux trois pleures. Il était à deux doigts d’éteindre son téléphone quand son regard a buté sur le nom de Hyomin. “Byun Yujin et Jang Hyomin ont été aperçus batifolant en pleine nuit sur un bateau.” Il peut sentir sa gorge se serrer de rage. Il ne lui faut qu’un coup d’oeil pour repérer se promise. Elle est magnifique, mais surtout, il a envie de l’étrangler. Elle aussi semble avoir lu l’article et il l’attrape par la main dès qu’ils sont suffisamment proche pour l’emmener dans la première pièce qu’ils trouvent.
La cuisine. Remplie de cuisiniers. Mauvaise pioche. Mais un commis qui semble avoir l’habitude de ce genre d’apparition lui fait signe vers une porte située au fond de la pièce et qui semble donner sur le dehors. Un balcon à l’écart de la soirée, parfait.
Il jette tout de même un coup d’oeil mais il semble faire trop froid pour que les invités s’aventurent au dehors. Ils devraient pouvoir être tranquille un bon moment.
« Tu m’expliques c’est quoi ce bordel ? » Il est fou de rage et la colère l’empêche d’expliquer plus que de besoin. Elle a lu l’article, elle sait très bien de quoi il parle. « Je suis supposé écouter tes morales quand toi tu te fais carrément chopper ? » Parce que oui, il en a marre de passer pour le fautif quand elle est tout aussi coupable. Il passe au dessus généralement. L’infidélité l’insupporte mais il n’est pas le mieux placé pour être autorisé à exprimer son mécontentement. Mais là ça va beaucoup plus loin qu’une simple tromperie. « La discrétion tu connais ? Y a moyen que ça vienne tout foutre en l’air si les parents l’apprennent. » Il lui tourne le dos, défaisant sa cravate, comme pour se donner un peu de contenance et de retenue. « Tu ne peux pas batifoler dans des pièces fermées comme tout le monde ? » Il aurait tellement à dire, tous les mots sont coincés à travers sa gorge et il a conscience qu’il ne peut pas déverser sa rage sans la laisser s’exprimer. Alors il attend, le regard dans le sien. Vas-y, qu’est-ce que tu as à dire pour ta défense ?