Tout a commencé le 14 février 1997, à 7h17. Un diffuseur d'huiles essentielles parsemait des gouttes odorantes de lavande apaisante ... Les murs de la pièce, d'un jaune flamboyant, contrastaient avec la grisaille de l'extérieur. Shim Ahn Hee venait de mettre au monde sa troisième et dernière fille, après plusieurs heures de travail douloureux et acharné. Lorsqu’elle se pencha pour la première fois sur cette dernière, elle ne put s’empêcher de rire et de dire à son mari : « On dirait un bouton de rose, si petite, si recroquevillée et emmaillotée, je pense avoir trouvé son prénom. ». Effectivement, le poupon dans le berceau avait l'apparence d'un bouton de fleur, vous savez ... Le bouton d'une rose ne ressemble pas à grand chose, il est petit, il ne sent rien, il n'est pas joli, mais l'homme place de grande espérance en lui. Tout simplement car il sait ce que ce bouton peut devenir. Et bien, c'était la même chose pour ce nourrisson, petit, insipide et fripé après quelques minutes d'existence. Ses parents, ayant connaissance de ses aînées, plaçaient de merveilleuses espérances, potentiellement veines, en ce nourrisson. Cette remarque donna lieu à la décision qui fut prise quelques minutes plus tard, ce bébé, ce bouton, cette petite fille s’appellerait : Na Yung.

Na Yung fait partie de la famille Shim. Son père, Shim Geo Mul est le CEO d’un groupe de cosmétiques en vogue actuellement. C’est finalement cette entreprise, la dernière fille de la famille et non Na Yung. En effet, la famille Shim gravite entièrement autour de l'entreprise, son père en est le CEO. Ses oncles en sont les conseillers. Ses sœurs en sont le visage. Oui, le visage, car les sœurs de Na Yung sont d'une beauté qui subjugue, naturelle mais irréelle. Depuis leur plus jeune âge, elles apparaissent dans les publicités et les magazines, ventant tour à tour les produits pour enfants, les gloss pour adolescentes, puis les soins des femmes d'affaires. Cette entreprise est le résultat du travail acharné des Shim. Y compris d'Ahn Hee, qui épaule et accompagne son mari depuis toujours dans ce projet. Na Yung, n'a pas vraiment pris part à ce projet, lorsque tout a commencé, elle n'était qu'un souhait et lorsqu'elle est arrivée la machine était déjà lancée. Lorsqu'elle fut en âge de comprendre, ses sœurs étaient déjà parties prenantes de l'entreprise. Na Yung n'avait pas la volonté d'être un visage, elle n'était pas assez jolie, elle était belle, mais belle singulière, puis elle était trop jeune, puis lorsqu'elle fut en âge, elle ne trouva pas sa place. Elle savait qu'elle était la cinquième roue de ce carrosse dorée et si particulier et qu'elle le resterait toute sa vie.

Enfin, revenons un peu en 2018. Mais qui est donc cette Shim Na Yung ? Cette demoiselle qui débarque d’un avion tout droit venu de Séoul pour Busan. Na Yung est atypique ... Elle ne peut pas renier qu'elle vient d'une famille aisée, mais contrairement à la majorité des bourgeois qu'elle a pu côtoyer, elle a conscience du travail et de l'investissement que demande une entreprise. Cependant, elle prend plaisir, depuis sa tendre enfance, à profiter des dividendes de son père et de ses actionnaires. Petite, elle possède sa chambre personnelle, avec salle de bain privée en marbre et dressing attenant. Lorsque Na Yung devient une adolescente ingrate, ses parents cèdent à ses caprices. Ils cherchaient juste à compenser leur absence physique. Et c'est ainsi que Na Yung s'est retrouvée avec de l'argent de poche conséquent ou encore avec le dernier téléphone portable à la mode, là où les enfants ordinaires quittaient à peine leurs préoccupations de jeunes enfants. Et cela ne se calma pas avec le temps, à peine eut elle émis un avis sur la dernière sportive sortie, qu'elle l'obtint avant même d'avoir envisager de passer le permis.

Depuis sa naissance, son père s'est attachée à la combler, afin qu'elle ne manque de rien. Il savait que la place de cadette ne serait pas tous les jours faciles à porter. C'est pourquoi, il avait pris la décision d'offrir à Na Yung, 10% des parts de la société pour ses 16 ans. Avec le recul, Na Yung se rend compte aujourd'hui de l'importance de cette donation, contrairement au jour de ses 16 ans où elle s'indigna de recevoir "un papier" pour cadeau. Grâce à ce précieux présent, Na Yung peut vivre sereinement, elle est à l'abris du besoin. Et l'ascension fulgurante et constante de l'entreprise n'est pas pour lui déplaire.

La veille de ses 21 ans, Na Yung n'avait envie de rien. Allongée dans son lit, elle contemplait le ciel au travers de sa fenêtre de toit. Elle venait de passer une heure environ à réfléchir sur sa courte existence et sur ce qu'elle était aujourd'hui. Un sentiment inconfortable naissait progressivement dans sa poitrine et lui donnait le tournis. Elle prit conscience que ce n'était pas ce qu'elle aurait voulu être, elle eut le sentiment de se mentir à elle même depuis tant d'années, depuis son enfance, depuis sa naissance. Et pour cause ...

A la veille de ses 21 ans, Na Yung apparaissait à quiconque voulait la voir, comme une femme forte, une femme fatale, une femme assurée. Mais tout cela n'était que le fruit du formatage familial qu'elle connaissait depuis toute jeune. Pour être ce qu'elle était, elle avait du se battre contre elle même, accepter de se conforter aux attentes familiales à défaut de ses attentes personnelles. Cette personnalité qui plaisait tant à son entourage n'était pas la sienne, elle ne l'était plus, elle ne l'avait jamais été.

Depuis son plus jeune âge, Na Yung entend qu'elle est la dernière représentante de la famille Shim, que de nombreuses personnes la scruteront tout le long de sa vie. C'est d'ailleurs pour cette raison, que chez les Shim, l'apparence est centrale et essentielle. Ce qui peut paraître logique, au vue de la secteur d'activité. Alors que Na Yung n'était qu'une enfant, on lui enseigna qu'il lui fallait du charisme. Que le charisme serait pour elle la clé du bonheur. Elle enchaîna les entraînements et les exercices de diction et de maintien. Quand elle fut un peu plus âgée, quand elle eut passée le début de sa 10ème année de quelques semaines, ses grandes sœurs lui apprirent les rudiments du maquillage. Une fois le maquillage acquit, elles lui enseignèrent la démarche et tout ce qui fait d'elle la femme fatale et sure d'elle qu'elle est, enfin, en apparence. Mais, déjà à cette époque, Na Yung ressentait un mal être intérieur. Un mal être qui l'a rongé, mais qu'elle combattait, car elle se devait d'être ainsi, de répondre aux attentes.

C'est d'ailleurs pour ne pas décevoir qu'elle s'est autant confortée à tout ce qu'on lui imposait. Alors qu'elle entrait au lycée, qu'elle connaissait cette merveilleuse période qu'est l'adolescente, elle établit des relations amicales avec les enfants des plus grandes familles de Séoul. Elle était connu comme le loup blanc, tout comme ses sœurs avant elle, elle devait maintenir le cap et ne pas sortir du chemin qui lui était tracé. Elle était passée professionnelle dans l'art de jouer ce personnage. Elle apparaissait comme dédaigneuse et hautaine à qui voulait la voir. Elle jouait de ses charmes, sans remords, pour arriver à ses fins. Elle n'hésitait pas à apparaître comme une "sans cœur", comme une manipulatrice, elle rejetait toutes les personnes qui lui étaient néfastes ou qui ne lui étaient plus d'aucune utilité. Elle s'est amourachée des garçons de bonne famille, qui plaisaient (et plaisent encore) à ses parents, mais qui lui paraissaient (et paraissent toujours) insipides.

Mais, la veille de ce fameux anniversaire, son corps, son coeur, son esprit, lui criaient stop. Elle s'était perdue dans ce rôle de composition. Ce n'était pas elle. Elle donnait à voir à son clan, ce qu'il voulait voir. Elle laissait entendre ce qu'il voulait entendre. Elle avait un besoin fort, horrible et insoutenable, un besoin de se retrouver, de s'éloigner de tout ce qui faisait d'elle, le personnage qu'elle était. Elle sortit de ses pensées pour attraper son ordinateur et fouilla sur la toile, chercha un eldorado, un endroit plus petit que Séoul mais vivant, éloigné mais pas trop. Elle rêvait de voir la mer, alors ce serait aussi un endroit proche de la mer. Et surtout, un endroit où elle ne serait personne, où le nom de Shim serait moins ou pas connu. Un endroit où elle pourrait se retrouver, se rechercher, même si, elle le savait, ça serait difficile de laisser sa personnalité fragile transparaître. Elle venait de prendre la décision. Elle jetterait son dévolu sur Busan, cette ville l'appelle bien qu'elle n'y connaisse rien ni personne. C'est sur cette belle idée de renaissance qu'elle s'endormit lourdement.

Le 14 février 2018, lorsque son réveil sonna, Na Yung était comme sonnée. Sa nuit avait été agité, surement à cause de sa décision. Elle avait rêvé Busan, son arrivée mais aussi la réaction de ses parents. Elle se leva comme elle pu, elle se dirigea vers la salle de bain et y fit une toilette de chat. Elle enfila les vêtements de la veille et descendit quatre à quatre les escaliers. Lorsqu'elle déboula dans la cuisine, ses parents et ses sœurs l'accueillir avec le fameux "생일 축하합니다". Ce à quoi elle répondit d'abord merci, puis "J'ai à vous parler". Elle parla, parla, parla, pendant de longues minutes, sans laisser de temps à ses parents pour intervenir, pour riposter. Elle expliqua son coup de cœur pour Busan, qu'elle avait envie de voir autre chose, que Séoul l'étouffait peu à peu, qu'elle voulait se retrouver, qu'elle voulait être plus anonyme.

Qu'elle fut sa surprise lorsqu'une fois son monologue terminé, elle entendit ses parents lui dirent que cela semblait être une bonne idée, que cela lui ferait du bien de s'éloigner, de se ressourcer. Papa Shim accepta son éloignement, accepta possiblement son manque potentiel de contact (elle ne lui donnerait pas souvent des nouvelles et il le savait), mais il avait une condition : il voulait qu'elle ne soit pas dans le besoin, il l'accompagnerait financièrement. Na Yung négocia un accompagnement temporaire, tout était à voir dans le temps, elle connaissait Papa Shim aussi bien qu'il la connaissait. S'était décidé, les valises devaient être faite, elle quitterait Séoul pour Busan dans quelques semaines, pour quelques jours ou pour la vie...