Lee Ahn c’est la douceur même, enfant choyée, surprotégée, il n’y a que quelques années que son paradis a implosé. Elle se retrouve pour la première fois confrontée à une réalité dure et froide, loin de l’idylle dans laquelle elle a grandi. L’ange est inadapté pour la brutalité du monde et elle se détruit petit à petit. Naïve, elle est un canevas blanc qui s’assombri, qui se teint de noir entrecoupé par des éclats colorés ici et là. Poupée de porcelaine à la fragilité assumée, Lee Ahn est pourtant plus forte que ce les gens croient. On ne le devinerait jamais derrière ses sourires innocents, mais elle a traversé l’enfer et y a survécu. C’est son entêtement qui en est la principale raison, cette persévérance sans fin qui se renouvelle même lorsqu’elle croit être au bout du rouleau. Même si le monde semble lui avoir tourner le dos, elle refuse de baisser les bras et d’abandonner. Mais il est impossible de traverser l’enfer sans en ramener quelques démons. Ceux de Lee Ahn lui colle au corps, s’insinuent dans ses rêves, dans ses pensées à tout moment de la journée et l’ont forcé à s’éloigner du chemin auquel elle aspire. Et maintenant elle est perdue Lee Ahn, elle ne sait plus qui elle est sans sa précieuse musique, elle ne sait plus quelle est sa raison de vivre. Elle marche à tâtons dans les ténèbres de son propre esprit à la recherche d’une réponse qui n’existe peut-être pas. Mais elle continue d’avancer et d’espérer, même si son cœur se fait déchirer encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de l’enfant musique.

o1 ⊱ F A M I L Y – Mère pianiste et père concept artist pour une compagnie de jeu indie, ta famille a toujours baigné dans les arts. Les chef-d’œuvres de Bach et Beethoven résonnaient dans la petite maison sur le bord de l’océan alors que les murs étaient placardés de dessin et de peinture diverses. C’est dans cet environnement créatif que tu es venue au monde, première enfant du jeune couple amoureux. Quelques années plus tard, ton petit frère vint au monde, complétant ainsi la petite famille d’artiste en devenir. L’argent ne manquait pas, il faut dire que tes deux parents avaient accumulés de l’expertise et qu’ils étaient bien vus dans leur champ respectif, gagnant assez pour que vous viviez plus que confortement.
o2 ⊱ G E N I U S – Tu avais cinq ans lorsque tu as touché le violon pour la première fois. Déjà entrainée au piano par ta mère, cette dernière, enceinte, recevait pour la première fois un violoniste à la maison afin de pratiquer pour un concert à venir. La délicatesse des notes, la vision de l’archet glissant avec grâce sur le corde, tout en cet instrument te charma, et c’est ainsi que tu obtins ton premier violon. Ayant déjà fait des prouesses au piano, l’excitation et la surprise fût au rendez-vous lorsque tu démontras encore plus d’aptitudes pour l’instrument à corde. Dans les années qui suivirent, tu entras dans plusieurs compétitions, raflant les médailles d’or à gauche et à droite, la première place assurée dès que tu te présentais. Tu étais née pour jouer du violon, pour être sur la scène et éblouir le public de l’interprétation que tu faisais des classiques.
o3 ⊱ F U T U R E – Déjà à 14 ans, tu avais ta place au conservatoire de Busan, étoile montante du monde de la musique classique. Et une invitation vint par la poste, on te proposait de participer à un concours mondial aux États-Unis. La question ne s’était même pas posée… C’était l’opportunité de ta vie, la chance de te faire une place comme violoniste mondialement. Il va sans dire que tu avais l’impression d’être sur un nuage, croyant naïvement que rien ne pourrait venir miner ta joie… Alors vous avez pris l’avion tous les quatre et avez traverser le monde pour venir à la rencontre du destin.
o4 ⊱ D E A T H – Vous étiez en route pour la salle de spectacle, les nerfs à vif parce que vous aviez pris du retard quand une voiture est venue vous percuter. Tu n’as pas compris immédiatement ce qui s’est passé. Le temps s’est ralenti alors que le contact se faisait. Tu as senti le choc et la voiture s’est mise à tourner. Un bruit similaire à une explosion résonna et une forte douleur à la tête te fit perdre connaissance un instant. C’est le cillement dans tes oreilles qui te ramena à la réalité, et le carnage se présenta à tes yeux teintés d’un filtre vermeille avant que l’inconscience ne te happe à nouveau. Tu es la seule à avoir survécu, tes parents morts sur l’impact alors que ton petit frère est décédé à son arrivée à l’hôpital. C’est en morceaux, brisée physiquement comme mentalement, qu’on t’a renvoyé en Corée. Plus morte que vivante, plus fantôme qu’humaine. Sauf que tu t’en es sortie, après un an de soins et de réadaptation.
o5 ⊱ F A L L I N G – La musique, c’est tout ce que tu as jamais connu. C’est la musique qui te pousse à sortir du lit le matin, qui te pousse à mettre un pied devant l’autre, telle la figurine d’une boîte à musique. Les notes sont le langage que tu maîtrises le mieux, t’exprimer à travers la mélodie, exposer tes émotions au monde entier. Le jour où les notes ont commencés à disparaître est brûlé dans ton esprit, impossible à oublier. Ce jour-là, une part de toi s’est brisée, tu t’es fracturée en un million de pièce volatile. Tu étais en train de pratiquer ta pièce favorite lorsque les aigues ont cessé de résonner dans le petit appartement que tu partageais avec ta grand-mère. Ta main s’est contractée sur ton instrument, tes dents se sont crispées, et tu as continué de jouer, en appuyant plus fort sur ton archet, si fort que le bois s’est plié… mais les notes ont continué à t’évader, vague grondement au loin, impossible d’en discerner les subtilités. Et la voix de ta grand-mère, inquiète de cette cacophonie que tu créais dans ta détresse, elle s’est aussi perdue dans le vide, dans ce nouveau silence oppressant. Sa main est venue se poser sur ta main qui tenait l’archet pour l’éloigner des cordes, pour faire cesser le bruit strident de ton désespoir. Sa voix calmante ne se rendit jamais à tes oreilles, mais son regard inquiet vint rejoindre ton âme. Tu passas cette première nuit d’insomnie à pleurer dans ses bras, à maudire les dieux de t’avais fait survivre.
o6 ⊱ D E N I A L – Tout n’est pas perdu que les médecins disent, il y a encore des solutions que tu n’as pas tester. Mais entre-temps, ton ouïe continue de s’affaiblir, les bruits et sons te quittant au fil des jours. Aujourd’hui la majorité des aigues t’es quasi impossible à entendre. Vous continuez d’espérer, de croire qu’il y a une chirurgie, ou un appareil auditif qui pourrait être la solution. Tu refuses d’abandonner, de tourner le dos à la musique, de perdre tout ce que tu as. Mais les jours se font de plus en plus difficile, la dépression s’agrippant à tes épaules pour te tirer vers le fond.
o7 ⊱ N I G H T M A R E S – La culpabilité qui te ronge, poison invisible à l’œil nu mais qui t’afflige quotidiennement. Leurs visages qui te reviennent chaque nuit, sourire un moment et monstre ensanglanté le suivant. Être défigurés qui s’accrochent à tes jambes, à tes bras, en demandant pourquoi toi ? pourquoi toi et pas eux ? Le sentiment de perte qui t’accompagne dès que tu ouvres les yeux ; leur mort que tu revis tous les soirs. Et la culpabilité qui accompagne tes jours. Les souvenirs qui viennent t’enlever tes nuits, te forçant à errer une réalité tout aussi morbide.
o8 ⊱ H O P E – Et pourtant, dans la grande noirceur qu’est ta vie de tous les jours, il y a cette lumière. Ironiquement, c’est la nuit, lorsque la nuit est à son plus noir qu’ils viennent faire briller leur radiance. Au départ deux âmes sous le ciel étoilé, elles se sont multipliées pour créer un groupe d’être aux opposés les uns des autres. Enfants rêveurs, perdus, que le sommeil a abandonné et qui ont retrouvé refuge dans la présence des autres.