Outfit Les cigarettes se consument trop vites et t'enchaines déjà ta troisième. A l'abris sous une corniche, t'observes la pluie dans la nuit. Elle tombe en fine gouttes, paresseusement, dans une douce mélodie qui se mêle aux échos qui émanent de ton club. Des basses qui crèvent les murs et font vibrer ton coeur. Probablement que sans elles, il n'aurait plus la force de battre seul. C'est ta dernière raison de vivre.
T'en es dépendant de ta vie nocturne. Tu te confonds dans l'obscurité et c'est là que tu te complais. T'as plus envie de briller au soleil, de voir le monde trop clairement. T'aimes quand les choses ne sont que formes sombres, quand tu dois plisser les yeux pour voir et laisser ton imagination compenser le noir.
Tout est plus intense la nuit. Le moindre son prend une ampleur plus importante. Les sens sont développés, exacerbés.
Le vent frais te fait frissonner mais tu l'accueilles avec plaisir. A l'intérieur l'air est étouffant, les corps en transes font monter la température rapidement. C'est toujours un four entre tes murs. Ça baigne dans la sueur et les vapeurs d'alcools. Mais t'es fier quand tu penses au fait que ça t'appartient. Que toutes cette clientèle se déchaine dans ton initiative. Ce domaine où tu es roi et dont le succès caresse ton égo.
Un repère pour des âmes aussi ternies par la vie que la tienne. Une jeunesse révoltée et assommée avec laquelle tu te sens en phase.
Toi qui a pourtant grandit dans un palais doré, c'est dans une grotte que t'es le plus à l'aise.
On vient soudain te tirer de tes songes. Un employé qui te connait assez bien que pour savoir où te trouver. Si t'es pas en bas à veiller sur ton business, t'es en haut à prendre l'air. Il t'annonce qu'on te cherche, que t'es demandé.
Tu sais déjà pour quoi. Parce que c'est toujours pour la même raison.
Tu prends le temps de terminer ta troisième dose de nicotine avant de replonger dans le club. Tu laisses la chaleur suffocante te gifler, toi qui entre avec la peau si froide. T'interroges pour savoir qui te demande et on te redirige vers une silhouette au bar. Toute d'orange vêtue, elle se démarque facilement. Tu te diriges vers elle, prêt à faire tourner ton second commerce. Celui que tu mènes en parallèle et qui va de paire avec la foule qui fréquente ton repère.
T'as pas le temps de te présenter que l'homme t'aborde. Un mot. Simple, qui te fait sourire. T'aimes quand ça va droit au but et que le client a l'air de savoir ce qu'il fait. Ça te change des débutants tremblants et hésitants qui se lancent dans la consommation et sont encore perdus sur le système.
"A l'étage." Tu lui réponds aussi brièvement, en l'invitant à te suivre d'un signe de tête.
Vous traversez les corps dansants jusqu'à l'entrée où la porte de ton appartement se cache dans un recoin. T'entres ton code machinalement et une volée d'escaliers se présente à vous. Au sommet, ton chez toi. T'y es tellement peu que l'endroit pourrait presque avoir l'air abandonné. Seul des verres sur la table et le bol de ramens que tu as mangé avant d'aller travailler trahissent ta présence dans ces lieux. Il y'a aussi ton chat, blotti dans un coin, qui ne lève même plus l'oreille lorsque quelqu'un arrive, habitué à tes fréquents aller-retours.
T'allumes ta lumière et tu discernes un peu mieux ce client mystérieux. Un nouveau visage. Décidément, t'attires de plus en plus de nouveaux acheteurs. Ton commerce illégal gonfle et à ce rythme, tu te vois déjà avec le poignet orné d'une rolex.
A ton aise dans ton propre salon, tu te laisses tomber sur le canapé dans un soupire. Installé dans une position royale qui trahit ton sentiment de supériorité. Tu sais que toutes ces âmes qui viennent te trouver sont dépendantes de tes trésors et t'aimes ce genre de contrôle. Être celui qui pourra les satisfaire, l'homme qui offre le paradis.
"Qu'est ce qu'il te faut ?" Tu lui demandes alors, détendu.