my answer is you,
(( musique + tenue ))

tu vais beau essayer d'arrêter, d'y mettre un terme, tu n'y parvenais jamais. les sentiments trop prenant, le cœur battant. et ses pupilles qui croisaient les tiennes, qui ne manquaient pas de te rendre fou, elles te décourageaient toujours ; et tu savais qu'au fond tu comptais pour lui, plus qu'il ne voulait l'avouer. si tu venais à partir, à l'abandonner, non seulement toi tu le vivrais mal, tu mourrais de regret, de culpabilité... mais surtout tu avais conscience que tu le détruirais... et tu préférais te détruire, souffrir en silence, ne rien dire et en pâtir, tout ça pour qu'il aille bien, qu'il soit heureux. tu te sacrifiais, par amour, et malgré tout, tu savais bien que tu ne pourrais pas cacher ta tristesse bien longtemps, tu aurais besoin de mettre de la distance pour essayer, je dis bien essayer, d'oublier tes sentiments. tu regardais alors sa silhouette féline bouger au même rythme que le tien, au travers des miroirs de la salle de danse.

maintenant que tu y penses, il t'accompagne depuis si longtemps dans ton rêve, dans ta passion que l'idée de le voir disparaître t'effrayais. mais si il le fallait? perdu dans tes pensées, tu oublies de suivre le rythme et tu te loupes, tu sais qu'il détestes quand quelqu'un l'interromps, surtout avec une erreur. « excuses-moi... », disais-tu alors que tu sentais ton genou refaire des siennes ; il était douloureux depuis quelques jours. et tous deux en sueur, tu t'arrêtais pour t'éponger avec une serviette, tu sortais de tes sombres pensées pour lui faire un faux sourire forcé, caché derrière le tissu blanc. et dans cette salle où vous perdiez souvent la notion du temps, le silence reprit sa place.

my answer is you,
(( musique + tenue ))

Il est animé par une rage de vaincre, et la folie de perdre. Il se surpasse, ressent chacun de ses muscles puiser dans leurs dernières forces. Parce que ça doit être parfait, ça doit être irréprochable. Lui qui a horreur de l'échec, des erreurs et de la faiblesse, il se tuerait certainement pour atteindre l'apogée de son art. Il répète la chorégraphie depuis des heures déjà, ne s'accorde presque aucune pause, et entraîne dans sa chute son partenaire de toujours Li Wei. Il le sait, il le détruit à petit feu et il ne se passe plus un seul jour sans que ce dernier ne finisse par flancher. Et en général, c'est toujours avant Jae In. Incompréhension, frustration, puis acceptation et aide, voilà les étapes par lesquelles passe l'autiste pour relativiser. Il a conscience que tout le monde est différent et qu'il doit apprendre à s'adapter aux autres. Mais ça... C'est ce qu'il s'efforce d'apprendre depuis sa naissance. S'adapter aux autres, rentrer dans le moule, il n'y arrivera probablement jamais.

Le dernier enchaînement est de trop. La sueur au front, Jae In tourne subitement la tête vers Li Wei qui vient de rencontrer le sol. Arrêté dans son élan, il halète bruyamment et se penche, posant ses mains sur ses genoux pour s'étirer le dos. Un des stagiaires du studio en profite pour stopper la musique et les laisse tranquille. Cela vaut mieux pour lui d'ailleurs. Jae In observe Li Wei avec grande insistance, sourcils froncés, mais sa fatigue prend le pas sur sa frustration et plutôt que de sermonner son éternel partenaire, il se ravise plutôt. « Pas grave. On va arrêter pour aujourd'hui de toute façon. » Il se redresse et geigne, son corps entier hurle de douleur. Il revient vers les bancs et sort de son sac à dos sa bouteille d'eau qu'il s'empresse de vider sur son visage. Les cheveux humides, les joues rouges par l'effort, il boit ensuite quelques gorgées de ce qu'il reste dans la bouteille et se tourne vers Li Wei, calme. « Va voir le médecin, pour ton genou. Ca fait dix fois que je te le dis en plus. » Il ne voit pas le mal, Jae In. Il ne voit absolument pas que si Li Wei se laisse détruire, c'est pour que Jae In puisse briller. Mais Jae In brille déjà trop...

my answer is you,
(( musique + tenue ))

t'étais pas du genre à perdre les pédales, à t'impatienter... mais tu te rendais bien compte que la situation devenait ingérable. tu perdais trop de poids à l'aimer comme un fou, tu ne savais plus faire la distinction entre ce qui était bon pour lui et mauvais pour toi. tu le laissais prendre le dessus, tu oubliais d'être égoïste... ça te faisais tellement mal, ton coeur te faisais souffrir. pourtant tu essayais quand même, tu voulais tenir le choc parce que tu ne voulais pas l'abandonner, tu ne voulais pas être lâche ; mais plus le temps passe et plus tu ne vois pas d'autre solutions.  « jaein, je pense arrêter de danser avec toi. », disais-tu avant même de réfléchir à l'impact de tes mots. tu y pensais depuis quelque temps, si tu n'arrivais pas à mettre des barrières et de la distance, c'était bien parce que tu continuais d'entretenir ton alchimie avec lui. ça finissait toujours au pieux et tu étais incapable de lui refuser les seuls moments d'intimité qu'il voulait bien te donner.

mais usé, fatigué, exténué d'être le seul à aimer, sans rien recevoir en retour, tu pensais bien tout arrêter. progressivement, tu ne voulais pas qu'il ai un choc. tu te massais le genou après t'être assis sur une des chaises au fond de la salle. tu évitais son regard, toujours aussi foudroyant. tu n'arrivais pas à lui faire face, mais depuis quelque temps c'était encore pire qu'avant. et tu ne voulais plus céder. « je ne fais que te ralentir, et à vrai dire... je pense que c'est plus comme avant. », disais-tu. tu n'avais pas l'intention de le blesser, tu ne faisais qu'essayer de dire ce que tu ressentais le plus simplement possible.

my answer is you,
(( musique + tenue ))

Les mots s'entrechoquent dans sa tête telles des cymbales. Ca fait mal, et il ne comprend pas. Pourquoi maintenant ? Pourquoi d'un coup ? Alors que ça fait des semaines qu'ils se fatiguent à travailler sur cette chorégraphie ? L'embout de la bouteille près de ses lèvres, c'est comme s'il s'était arrêté dans son geste à l'annonce de Liwei. Et ça fait mal, ça fait si mal. Il s'énerve parce qu'il n'arrive pas à comprendre. Ses doigts se resserrent sur la bouteille lentement, il fixe le mur devant lui. Il ne veut pas le regarder lui, de peur de déverser toute sa rancoeur vers lui. Parce qu'il ne la mérite pas. Jae In est un pauvre con, voilà tout. Son coeur tambourine par l'effort qu'il a produit en dansant. Mais ne tambourine-t-il pas à cause de Liwei ? Ne pouvant interprêter ce qu'il ressent, hormis la haine viscérale qu'il voue à tout être humain, il se contente simplement de rester silencieux, tel un volcan prêt à entrer en éruption. Le calme avant la tempête...

Rien n'y fait, Jae In ne peut l'accepter. Et Liwei aura beau s'expliquer des heures durant, il est inconcevable pour le coréen de cautionner cela. Alors, dès que le chinois finit sa brève tirade, il se tourne vivement vers lui et l'incendie du regard. Hors de question. C'est ridicule. Ce n'est plus comme avant ? Mais c'est quoi, avant ? Jae In l'a même oublié, incapable de faire la distinction dans leurs sentiments. Et pourtant il aime lui faire l'amour. Il aime le prend en photo pour l'exhiber comme une fierté sur son instagram. Liwei, sa plus belle victoire. Son plus beau trophée. Sa plus belle bataille. « T'as pas le droit de dire ça. T'es un connard. » Mais qui de eux deux est le plus con ? Jae In, assurément. A faire souffrir Liwei sans le voir, à ne pas reconnaître que quelque chose subsiste entre eux. Il range nerveusement son sac de sport, tiraillé par la colère, et glisse la anse sur son épaule. Il souffre. Il souffre de le faire faire souffrir. « Viens, j'te paie l'restau. Ne crois pas t'en tirer comme ça »