L’astre solaire vint illuminer la chambre plongée dans un mutisme, enveloppant de sa chaleur la pièce habitée. Sun Hi vint maladroitement cacher son visage de sa main engourdie par le sommeil dans lequel elle était plongée. Un grognement s’échappe de ses lèvres à demi-ouverte. Ses prouesses de la veille lui reviennent en mémoire, intensifiant ce martèlement incessant dans sa tête. Alors qu’elle avait accepté de sortir avec ses amis pour simplement se changer les idées, la tournure qu’avait prise la soirée, lui laissait un goût amer en bouche. L’alcool avait coulé à flots, emportant sur son passage le peu de lucidité qu’elle ou ses acolytes pouvaient avoir en journée. Les mots avaient dépassé sa pensée et certaines choses dites auraient dû resté de l’ordre de l’inavouable. Ses yeux alors clos, s’ouvrirent doucement, s’acclimatant peu à peu à la clarté dans laquelle la pièce était plongée. La chaleur émanant de ce corps familier à ses côtés vint apaiser ses maux. Une douleur vive s'éveille au moindre petit mouvement. Son corps ayant subi l’effervescence de la veille vint se blottir naturellement vers son petit ami. Son bras encercla sa taille et ses jambes se perdirent entre les siennes. Alors que son esprit est éveillé, son corps se détendit de nouveau, appréciant ce manque d’énergie qu’elle avait habituellement au matin. Ses lèvres capturent furtivement celle de Levi et un sourire naquit sur ses lips. « Je vais aller chercher à manger et beaucoup de café. » Murmure-t-elle avant d’enjamber ce corps qui faisait barrière entre elle et le sol de la chambre. Ses mouvements sont maladroits et douloureux. La moindre décision amplifie cet étau oppressant sa boîte crânienne. Elle enfila le premier bas qui gisait sur son passage, faisant abstraction de l’état actuel de son salon. Bordel pensé méthodiquement par elle-même, lui permettant de retrouver ce dont elle avait besoin en un claquement de doigts. Désordre qui pouvait poser problème au plus maniaque de ses amis, mais il dépeignait parfaitement son univers. Son attention fut soudainement accaparée par un ronronnement familier. Le félin au pelage similaire aux premières neiges, s’aventure entre ses jambes quémandant à sa façon un peu de son temps. Ses doigts se perdirent sur le sommet de son crâne quelques secondes avant d’abandonner ce petit être qui trouvera à coup sur du réconfort auprès de l’éphèbe qui élit domicile dans sa chambre.

L’extérieur est une épreuve dont elle se serait bien passée. Les sons, les odeurs, toutes ses choses qui éveillent ses sens, ne font qu’accroître ce mal-être qui l’habitait aujourd’hui. Son humeur est en déclin et retrouver ce lieu si familier qu’est son appartement, apaisa cette tension qui s’était accumulée dans ses épaules. Retournant à son point de départ, elle trouva Levi aussi apaisé que lorsqu’elle était partie. Sa table de chevet accueille ses trouvailles matinales et son corps se laisse happé par cette sérénité qui émane de cet être qui fait battre son myocarde. « Empêche-moi de boire la prochaine fois. » Lâche-t-elle le plus sérieusement du monde. Demande qui sera sûrement encore une fois oublié lors de la prochaine soirée à laquelle elle sera conviée. Prétextant qu’elle est trop jeune pour se mettre ainsi des barrières. Cercle vicieux à jamais ancré en elle.

la lumière du matin, saccadée en une infinité de traits le long des stores mal fermés avait lentement commencée à l'extirper de son sommeil et de ses doux rêves. lui qui rêvait toujours d’ici et d’ailleurs, d’une autre vie et d’autres folies. « m’morning. » murmure-t-il entre leurs quelques douces étreintes et baisers. Son regard se pose l’espace de quelques instants sur le sien; le temps que ses doigts fins se glissent entre ses quelques boucles folles et que son sourire puisse répondre au sien.

What the hell did I do — did I do?
Messing with someone new
Thinking I wanted to

Et à chaque instant de plus, à chaque moment où le temps commençait à faire fondre la bâtisse de sérénité qu’il avait construit; il le réalisait. Que tout n’est qu’illusion, tout n’est que simple persuasion. Elle, lui; eux. Leur cocon et leur semblant d’affection n’était qu’une bulle qui le protégeait et qui le rongeait de l’intérieur : un voile d’ignorance qui recouvrait ses yeux de la réalité, des idylles adolescents qui un jour éclateront et s’épancheront au platonique. « je t'aime. » qu’il lui murmure, malhonnête inconscient, parce qu’il pense ses mots réellement. Un jour, le temps aura terni la magie; l’enfant deviendra homme et réalisera que son ataraxie n’était autre que son meilleur ami. Que sa vie, au final avait été cousu sur un tendre silence et une conscience qui se nourrissait de mensonges blancs.

Turns out I don’t want new
I want you

« t’es la meilleure. » il sourit sans en cacher sa joie, ne tardant pas à serrer sa moitié contre ses bras, trop heureux pour une simple présence et pour quelques douces attentions; mais il était fou-à-lier, berné par l'effervescence de sentiments encore nouveaux et par la candeur de certaines émotions dont il n’arrivait toujours pas à s’habituer. « de boire ou de boire trop? » Il le tarda pas à capturer la paume chaude contre la sienne dans un geste maladroit; entrechoquant leurs doigts avant de s’entremêler, suscitant une joie toujours plus exagérée et maladroite.
L’adulte qui perdurait en lui était incapable de mesurer ses réactions, manquant d'expérience l’ayant forgé, lui n’ayant jamais marqué autre chose que de simples coups d’essais. « ne t’en soucie pas d’ça. si ça avait mal tourné je serai tout de suite arrivé. je t’aurai jamais laissé seule s’il n’y avait pas les filles. »  Levi, ça lui faisait étrange d’être si peu négligent, si peu étourdi et tant méticuleux; d’habitude ce n'était pas comme ça. Levi il ne s’attachait à rien et encore moins aux obligations, et pourtant, Sun Hi, si elle pouvait représenter l'accalmie et son rayon de soleil ne serait-ce qu’un seul instant; peut-être qu’il pourrait y songer. A faire des concessions, à s’octroyer un second point de gravité et lui offrir l’espoir et les “peut-être qu’ça marcherait”.

« promis, juré. je vais jouer le rôle du boyfriend parfois amusant, parfois un peu chiant. parce que j’crois que c’est désormais mon rôle de prendre soin de toi. » ses mots sonnent trop étrangers pour lui, peut-être même inappropriés, au point que quelque chose de plus en plus lourd se nouait en lui; comme une boule de frustration, comme des dits et non-dits qui n’avait pas leur place ici, mais avec quelqu’un d’autre; un quelqu’un d’autre comme lui. « et sinon tu t’es amusée hier? » le rouge balaie légèrement le teint de ses joues tandis qu’il pousse sa princesse contre lui et colle ses lèvres contre son front encore un peu gelé. « et Hiro, il est sympa mh? » et ça sonne comme une formalité aux saveurs de nécessité; qu’elle devait forcément l’apprécier et l’aimer. Parce que la vie sans Hiro, même avec une moitié, c’était comme perdre son entièreté et faire disparaître ce qui faisait de lui ce qu’il était.

L’amour est à ses yeux un moment de tendresse d’éphémère. Le temps défile et emporte avec lui les premiers émois, les premières déclarations, toutes ses premières fois qui font de l’amour quelque chose d’inédit. Mais à force d’aimer, la nouveauté et les premières fois sont de l’ordre du passé. Tout devient amer et sans saveur, alors on se satisfait de peu et on devient envieux de ce qui nous entoure. On effleure des doigts ce qu’on n'a pas, avant de les refermer dans le vide et de laisser ce gouffre vous engloutir. Levi se veut rassurant et attentif à ses plaintes exagérées. La danseuse se sent complète à ses côtés. Enfin, du moins, c’est ce qu’elle ressent, mais la vérité et peut-être bien plus sombre. « Je sais ne t’inquiète. J’espère que tu as quand même profité de ta soirée ? » Parce qu’elle sait Sun Hi, qu’elle peut être un peu incontrôlable quand l’alcool coule dans ses veines. Elle se déconnecte de la réalité et semble invincible, alors elle peut exaucer les vœux de tout le monde, même si son corps ne peut lui permettre. La surveiller est quelque chose presque d’obligatoire dans ses moments-là et elle sait qu’agir de la sorte n’est en rien mature. « Je ne veux pas être un poids pour toi. » Avoue-t-elle à demi-mots. La gamine semble consciente de son comportement négligent de la nuit dernière et se promet de ne plus faire subir ça à son entourage les prochaines fois. Mais après tout, on ne vit qu’une fois après tout. Sun Hi, elle sent son âme se scinder en deux, elle ne sait pas quel chemin choisir pour l’avenir. D’un côté, elle a ce besoin de posséder entièrement cette jeunesse qui lui échappe, mais d’un autre, l’avenir lui offre une maturité que quiconque possède un jour. Ses paupières se ferment doucement, elle se laisse bercer par sa voix familière. Levi, il a su s’imposer dans sa vie petit à petit. Elle qui laissait peu de chance aux étrangers de s’immiscer dans sa vie, à baisser les armes face à cet homme qu’elle voyait trop souvent lors de ses livraisons quotidiennes. Client assidu, il est devenu cet ami sur qui elle pouvait compter, avant d’éprouver ces sentiments indéfinissables, vous conduisant à franchir un cap que ni lui, ni elle ne pensiez franchir à nouveau. Ses mots la font sourire et son cœur rate un battement face à cet élan de sincérité. Les doigts fins de la gamine viennent effleurer ses joues avant de se poser dessus. Ses lèvres se déposent furtivement sur les siennes. Ces moments de tendresse simple réchauffent son cœur. « Je t’aime Levi. » Avoue-t-elle innocemment comme si c’était la première fois qu’elle prononçait ses mots. Pourtant, ça fait bien longtemps que les, je t’aime bercent votre quotidien. « Moi aussi, je vais prendre soin de toi. Je vais rire, je vais pleurer, sûrement m’énerver aussi avec toi, mais je sens que je peux être totalement moi avec toi. » Ses joues se tintent de rouge, elle ne pensait pas vraiment ressentir ces choses jusqu’à mettre des mots dessus. Alors que la sincérité est au rendez-vous, elle fut rapidement balayée par des sujets plus légers. « Hiro ? » Répète-t-elle bêtement. « Il est sympa oui. » Elle n’est pas avare en compliment la demoiselle, mais elle ne se sent pas légitime de faire l’éloge d’une personne avec qui elle a échangé de simples banalités. « Je ne lui ai pas trop parlé, j’ai l’impression d’avoir échoué auprès de ton meilleur ami. » Elle se sent peinée d’admettre cette éventualité, mais elle ressentait le besoin de partager ce ressenti qu’elle avait eu.

Levi l’aurait pourtant juré il y a quelques années; qu’il ne s’attacherait jamais. Qu’après les échecs cuisant de sa jeunesse (et l’orage de son amour avorté) il avait cessé de croire qu’un jour quelqu’un serait en mesure de s’accrocher à lui, à sa personnalité décalée et de le rendre fou, fou comme ce jour-là où il l’avait brûlé.

Parce qu’il n’y avait qu’une seule personne qui avait réussi à pénétrer dans sa forteresse de silence, une seule pour laquelle il aurait imaginé l’excès et les interdits à franchir; les sacrifices et les plaies qui les forgeraient — si seulement il ne l’avait pas aussi vite devancé. A devenir taré et ignorer les jugements et les regards, à céder face à l’alcool et embraser son organisme d'une rudesse certaine; par un baiser et éveiller en lui cette fougue incontrôlée, cette folie et l’envie d'dire des je t’aime au creux de son oreille.




« hm hm. toi énervée? tu dois être vraaaaaiment terrifiante. » nouveau sourire, nouvelle étoile qui s’illumine, Levi pose un léger baiser contre sa joue dans un mouvement léger et rapide similaire aux émotions qui le gagnent; l’amour et la gêne, la passion et ce truc-là qu’il ne comprenait pas. Cet inconnu qui l’étouffait de questionnements, de “ne regrettes-tu pas?” d’avoir voulu ressembler à ces couples-là? de d’être détourné de ta gravité pour chuter dans cette normalité?
Sans doute il avait raison, sans doute, qu’il regrettait quelque part d’avoir choisi cette solution, de ne pas avoir tenté d’affronter vents et marées et d’avoir accepter la facilité.

De céder D’aimer.
Sunhi et ses cheveux bouclés
les éclats de ses yeux basanés
aux constellations capturées
et ses mains de fées
aux filets étoilés.


« ne t’inquiète pas. vous aurez bien l’occasion de sympathiser. » disait-il avant d’attraper une tasse de café et immédiatement en boire une gorgée dans l’espoir d’alléger la fatigue qui le gagnait d’ors et déjà. « tu sais… malgré les apparences, il n’est pas méchant. » la mine sérieuse quoique songeuse, il finit par hausser les épaules avant de libérer un rire nerveux en remarquant son sourire qui commençait à fâner  « et ….si on devait compter depuis qu’on se connaît, j’ai du faire pleurer beaucoup plus de filles que lui. » Avouait-il, malicieux. En réalité il ne savait pas vraiment s’il disait vrai (il ne faisait que supposer) avant de glisser ses doigts entre ses mèches folles et de lui accorder un rictus léger. « Eeeeh t’en fais pas. Et puis, comment mon meilleur ami ne pourrait-il pas s’entendre avec la fille que j’aime? »