dans la monotonie des bruits de l’hôpital, les bips incessants des machines et les plaintes des patients, tu observes calmement l’interne qui s’affaire autour de toi. tous les traits de son visage sont tendus, sa concentration à son paroxysme. il essaie de se souvenir de ses cours, de toutes ces heures qu’il a passé à s’entraîner sur des cadavres mais l’angoisse de se retrouver devant un être vivant, un véritable patient au cœur battant, fait trembler ses doigts. comme perdu dans un autre monde, il installe la perfusion et pose le garrot sans prononcer un mot. la seringue dans une main, l’autre tâtant ton bras à la recherche d’une veine, l’hésitation et l’incertitude se peignent sur sa figure. alors tu décides de lui donner un petit coup de pouce en l’aidant à se détendre un peu. « vous savez quoi ? c’était la première fois que je me faisais autant engueuler, ce matin. le médecin m’en a littéralement troué un deuxième… vous voulez savoir pourquoi ? » un soupir tremblant passe ses lèvres qui se transforment en un petit sourire, tandis que ses yeux rencontrent enfin les tiens. « je suis allé me faire tatouer l’autre jour mais, dans mon état, ce n’était pas la meilleure des idées. » tu retrousses la manche de ta chemise de malade pour montrer l’énorme ecchymose qui tâche ton avant-bras. « il m’a dit que la dernière chose dont j’avais besoin, c’est un empoisonnement du sang mais, entre vous et moi, je ne suis plus à ça prêt. on doit tous mourir de quelque chose. » c’est quelque chose que tu as appris à faire avec le temps, rire de ta maladie. mais ce n’est pas donné à tout le monde. « je suis déçu qu’on ne voit rien du tatouage pour l’instant surtout que… » un sourire illumine soudain ton visage et tes yeux brillent d’une lueur candide. « le tatoueur m’a envoyé un message ce matin, il veut qu’on se voit demain pour un cinéma. j’étais tout excité de voir ses mots apparaître à l’écran mais quand la réalité vous retombe dessus, elle retombe violemment. maintenant j’ai un peu peur, peur qu’il veuille voir l’état de son travail et que je me retrouve à être obligé de lui expliquer pourquoi mon bras ressemble à… ça. qui voudrait se lier d’amitié ou, plus si affinités, avec un leucémique comme moi ? » après tout, qui sait combien de temps il te reste ? ça peut se traduire en années comme en mois voire en jours. tu fermes les yeux et tentes de faire passer la douleur de ton cœur qui se serre. tu secoues soudain la tête, comme pour te vider de toutes ces pensées négatives et fixe de nouveau ton regard dans celui de l’interne. « mais il faut profiter de la vie pendant qu’il en est encore temps, mh ? en tout cas, l’heure avance et on ne va pas y passer la nuit. je lui ai dit que je serai là, alors hop hop hop on plante l’aiguille dans le bras pour que bibi ait le temps de se reposer un peu et puisse tenir sa promesse ! » de ton bras libre, tu fais mine d’ajouter un pompon imaginaire tout en épelant son nom, accroché à sa blouse. il te pique maladroitement mais le job est fait correctement. avant de quitter la pièce, il te lance un hwaiting qui t’arraches un petit rire.

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outfit – astuce pour passer une nuit tranquille à l’hôpital ? il n’y en a pas, à part mourir mais c’est un peu trop définitif et surtout pas dans tes projets immédiats. ça ne t’a pas empêché de te lever tôt pour partir le plus vite possible histoire de te remettre un peu en état chez toi. maintenant adossé à un mur non loin de l’endroit convenu à votre rencontre, bien trop en avance pour que ce soit considéré comme raisonnable, tu attends impatiemment que lihei arrive. c’est la première fois pour toi, qu’on t’invite ainsi et que tu sors avec un homme que tu viens tout juste de rencontrer. mais sortir de ta zone de confort te fait du bien, pour une fois. à la fois excité et effrayé en vue de cette journée, tu jettes un dernier coup d’œil à ta tenue dans la vitrine d’un magasin tandis que les battements de ton cœur s’emballent un peu plus alors que les secondes et les minutes passent et trépassent.

outfit - tu ne sais absolument pas ce qui a pu te passer par la tête. probablement un élan de folie, un autre moment où tu n’a su te contrôler face à la beauté de quelqu’un. des gens, tu en côtoies tous les jours. ils viennent et repartent, ne s’attardent jamais bien longtemps dans ton salon, juste le temps de se faire labourer la peau à coups d’aiguilles, de lancer l’argent sur le comptoir et de partir le plus vide possible. et pourtant, y’a toujours des exceptions à cette règle. y’en a toujours qui reste un peu plus longtemps, qui te posent des questions sur ton travail, sur ton salon. est-ce que c’est vraiment légal? t’as toujours autant de clients? pourquoi y’a un canapé en cuir à l’arrière? c’est pour les extra? et c’est là que tu roules des yeux, un sourire amer aux lèvres. et pourtant, la semaine dernière, il y avait lui. un jeune homme un peu timide, qui mettait visiblement pour la première fois les pieds dans un salon. quelques conseils sur le choix de son tatouage ainsi que l’emplacement et voilà qu’il était allongé sur la chaise, tout crispé. et plutôt que d’écouter la musique et de rester bien concentré, vous avez parlé tout au long de la séance. son sourire est encore encré dans ton esprit. son sourire et le fait qu’une simple conversation ait autant pu le détendre. deux jours. ça t’a pris deux jours pour aller fouiller sur son dossier pour trouver son numéro de téléphone et lui envoyer un message. salut eunho, c’est lihei, ton tatoueur. je voulais savoir si ça te dirait de sortir? avec moi? vendredi 19h, en face du cinéma. j’espère te revoir.

toi, hésiter? ce n’était pas dans tes habitudes. et pourtant, debout devant le miroir de la salle de bains, du doute tellement. tu te dis que ce que tu as fait est ridicule, que jamais tu n’aurais dû recontacter un client ainsi. sauf que tu ne pensais jamais que le jeune homme répondrait par l’affirmative. tu repousses ta tignasse rose vers l’arrière, replace ton t-shirt et attrape tes clés et ton portable pour te mettre en route. il te faut peu de temps pour rejoindre votre point de rendez-vous et pour le retrouver. son pull rose est assez tape à l’œil et tu ne peux qu’esquisse un nouveau sourire. délicatement, rendu à sa hauteur, tu poses une main sur son épaule, lui signalant ta présence. « bonsoir eunho. » tu as encore du mal à croire que tu l’as invité. que tu as été assez courageux pour demander à un parfait inconnu de sortir avec toi. « toujours partant? » tu préfères lui demander. tu n’as pas envie de le voir se sauver en courant. tu tends un bras pour le glisser à sa taille, vous remettant ainsi en marche pour vous mettre dans la ligne afin d’acheter les billets. c’est d’ailleurs toi qui paies, lui tendant son billet une fois acheté. « j’espère que tu ne m’as pas menti sur ton âge. je ne voudrais pas être accusé de détournement de mineur. » un clin d’œil. pas que ça te fasse peur, mais on ne savait jamais. les jeunes, de nos jours.