c’est toujours la même histoire, toujours les mêmes mots — je n’ai rien fait. ce n’est pas moi. il y a erreur sur la personne. s’en suivent quelques plaintes, puis un puissant râle, et enfin le silence. haneul, il a l’habitude. trois infimes années qu’il est confronté à ce même merdier. à force on s’y fait. on aurait presque de la peine pour ces miséreux, pour cette miséreuse installée depuis peu dans la cellule d’à côté. il l'observe à travers les faibles rayons lumineux qui s'inscrivent sur les murs pâles de la petite pièce, documents en main, prêt à procéder au montage de son dossier. « ton nom et ton prénom. » mais c'est le silence qui répond à son interrogation. c'est toujours comme ça de toute façon. il soupire, agacé, légèrement las que se soit constamment cette même réponse qui soit donnée, mais pas découragé. « écoute, plus vite tu répondras, plus vite on aura fini, et plus vite tu pourras partir. » vil mensonge, manoeuvre mesquine, mais qui fonctionne à la perfection avec les plus naïfs. l'était-elle ? il l'espère, au moins les quelques heures passées avec sa nouvelle captive paraîtront certainement moins longues, moins épuisantes, moins agaçantes. « je te repose la question. ton nom et ton prénom. »

Le corps étalé sur le lit de fer, elle tourne le dos à l'autorité, crie dans son dernier silence. Ce n'est pas moi. Les mêmes mots répétés pendant de longues minutes avant de sentir la force et l'adrénaline l'abandonner. Enfant de la nuit qui ne sait comment elle s'est retrouvée là, les mains liées par des menottes encombrantes. Elle réfléchit à ces derniers instants dehors, ces dernières actions, et elle n'arrive à y déceler un mal dont on pourrait l'accabler. Une voix roque transperce l'air, la secoue dans son mutisme. Il n'a pas le temps d'attendre, de la regarder s'apitoyer sur son triste sort; elle n'est qu'une identité parmi tant d'autres. Son air condescendant l'atteint, l'agace, lui donne le courage de se redresser pour, enfin, lui faire face. Ses opales sombres le scrutent un instant, détaillent chaque parcelle de son visage fermé. Putain de flic. Elle se lève l'audacieuse, le ventre soudainement bouillonnant d'une colère nouvelle. Ses phalanges entourent les barreaux, si proche de lui, sans chercher le moindre contact physique, la moindre violence. « Je te repose la question. Pourquoi je suis là. » imitation de son autorité assumée, un coup de frappe pour relancer la balle de son côté.

heure sombre. à son plus grand désarroi, la nuit risque d’être péniblement longue. sa bien jeune amie ne semble pas très coopérative, s’amusant à l'imiter avec cet air faussement autoritaire que l'on donne à certains policiers. haneul s'approche, agacé, de l'enfant pénible. elle est face à lui, s’élevant de toute sa stature laissant entrevoir une attitude profondément teigneuse. « tu as été arrêtée pour possession de stupéfiants. autant te dire que tu n’es pas sortie d’affaire. alors arrête ce petit jeu et répond à mes questions. » il soupire, l'observant l'air mécontent : le silence, pas de réponse, encore et toujours. la soirée s'annonce difficile ; elle va être difficile. « tu sais, on peut jouer longtemps comme ça. j'ai tout mon temps. enfin, dans trois heures j'ai fini. toi tu seras encore là, dans ta cage... et dis-toi que le prochain flic ne sera pas aussi patient que moi. » haneul ruse. mais l'irritation de sa voix le trahit. il sait qu'il sera fait prisonnier de cette bâtisse, aux allures de tortures, s'il ne termine pas toute cette paperasse inutile. et pour dissimuler cette quiétude, il s'éloigne, longe cette pièce d'un pas nonchalant, pour retrouver son vieux bureau rouillé. « je suis ici si jamais tu as quelque chose à me dire. » il joue sa dernière balle ; pourvu que son lancer soit digne d'un homerun.