Bang Pae vient d’une famille relativement simple aussi bien dans sa façon de penser que dans sa composition. Un père chauffeur, une mère aimante et voilà tout. Il n’a jamais manqué de rien. De toute façon, il ne se serait pas permis de le faire remarquer et si ça lui est arrivé, il s’est très vite calmé. Les mandales, il en a mangé de la part du paternel. Rien qui ne soit véritablement choquant, puisqu’il s’agissait en grande partie d’un avertissement plus qu’une correction. Il n’en a plus jamais eu besoin de sa vie par ailleurs, un regard suffisait à cette famille plus que soudée pour comprendre ce qui allait ou n’allait pas. La rigueur était le maître mot, pas de place pour les crises sentimentales exceptés celle de la femme de la maison. Quant à lui, Bang Pae a été jeune et comme tous a eu des fréquentations plus ou moins recommandables. La plupart des filles avec lesquelles il était sorti n’avaient pas à se plaindre de son comportement, il ne les a jamais prises pour des billes, ni des objets, foncièrement bon c’était un amoureux transi qui se faisait plus avoir que l’inverse. En parallèle, ses études étaient menées sans grande motivation, lui hésitait plutôt à entrer dans la police, intégrer les militaires ou les pompiers, de quoi faire la joie de ses prétendantes malgré son petit gabarit de l’époque. Il était déjà grand, sa carrure était moins efficace qu’actuellement. Le service militaire est très vite arrivé, n’ayant pas cette « chance » qu’ont les idoles, c’est à peine majeur qu’il a été embarqué pour deux ans qui n’ont pas été de tout repos. Pourtant, il n’était pas satisfait en sortant du cadre de l’armée, demandant plus encore que cet entraînement dont il était ressorti finement musclé.

Il avait trouvé sa voie et si elle n’était pas véritablement militaire, les questions qu’il avait posées avaient reçues d’excellents conseils lui permettant alors de postuler pour être policier au départ, puis plus tard, avec l’expérience, à l’unité spéciale de KNP de la SWAT. Il y en a plusieurs, il a choisi celle de sa ville et dès lors n’avait plus réellement de temps à accorder à sa petite amie de l’époque. Bang Pae n’avait jamais été partisan du far nient encore moins des petites attentions mignonnes et des apparences à sauver. Sa belle gueule et sa carrière étaient la seule chose qui intéressait la jeune femme, ce pourquoi ça n’avait pas fonctionné. Il avait été moins catégoriques dans ses propos, reconnaissant avoir fait des erreurs lui-même en cherchant à sauver ce couple beaucoup trop jeune.

C’est au court d’une prise d’otage qu’il a rencontré celle qui deviendrait sa femme par la suite. Lui qui était sur le coup avait bénéficié de son aide et l’avait rassuré. La justice, il y avait toujours cru, depuis tout gosse en voyant son père chauffeur, gagner la confiance et le respect d’une famille aisée, il s’était dit qu’il voulait inspirer la même chose. Son plus grand regret aujourd’hui c’est de n’avoir pas eu assez de temps à passer avec ce qui avait le plus d’importance à ses yeux. Il n’a pas su placer les priorités où il fallait, à savoir que si s’il avait mis un certain temps à courtiser sa future femme, prénommée Bang Myo Lin et que la vie à deux était le paradis sur terre, son mariage et leur union n’était rien en comparaison de ce qui les attendait.

C’est à l’âge de 24 ans que le drame se produisit. Loin d’elle dont le profil abordait un petit ventre rond à croquer, il avait été réquisitionné sur une affaire délicate. Son expérience et sa patience avaient été reconnus une année à peine après son mariage. Go Myo Lin pendant que lui dénouait les tensions entre détenteurs d’armes, ressentait les premières contractions de la nouvelle vie qui s’était créée en elle. Ni appel, ni autre moyen de le contacter, cette femme courageuse avait décidé de demander l’aide de sa belle-famille, direction l’hôpital pour accoucher de leur premier enfant. Ils n’avaient pas voulu connaître le sexe, se promettant que garçon ou fille, ils l’aimeraient de tout leur cœur avec cette même surprise dans le regard lorsqu’il ou elle serait né.

Ce n’est qu’une fois l’altercation réglée que l’agent Go avait rallumé son téléphone pour constater les nombreux S.O.S et lorsqu’il s’était rendu sur les lieux, encore la moitié de son attirail sur lui à l’exception de ses armes et des signes distinctifs, il n’avait pas eu le droit d’entrer. Elle était partie, sa moitié, insufflant à leur bébé ses dernières forces. Une embolie amniotique. Les sons qui se brouillent dans sa tête, le cauchemar de sa vie, le flou.

Jamais Bang Pae n’avait laissé ses larmes rouler avec autant d’ardeur que ce jour-là, épuisé et effondré, il n’avait même pas pensé à l’enfant. On la lui avait présentée, elle aussi en pleure derrière cette vitre. La seule dont le nom n’avait pas été donné. Pour lui, qui à cet instant hésitait à chérir ou à abandonner le nourrisson à une famille plus heureuse que la sienne, il y avait un facteur évident. Elle s’appellerait Myo Lin. Une petite blouse rose qui lui allait trop grand, impossible à calmer avant que son père ne l’ait pour la première fois dans les bras. Son téléphone qui sonne encore, disponible 24h/24 et 7j/7, il l’ignore pour la première fois car plus rien d’autre autour n’a d’importance. Malgré la perte, malgré sa présence qui avait fortement manqué dans ce moment, il se raccrochait à la vie de sa petite Myo Lin, bercé par les sanglots silencieux de Bang Pae.

Il avait quitté les forces de l’ordre, avait cherché un travail, certes, au départ sans en avoir la motivation. On lui avait accordé des congés, mais pas suffisamment à son goût. Il était solide, il n’aurait pas tenu un instant si elle n’était pas là, si elle n’avait pas besoin de lui. Sa plus grande peur ? La laisser seule plus d’une seconde et demi. Les mauvaises habitudes s’accumulaient, les erreurs d’un père célibataire se bousculaient. C’est une amie de sa promise qui lui était venu en aide, lui apprenant à changer des couches, à cuisiner, à détecter les signes de maladies. Il était facile pour lui d’être au dehors à braver n’importe quel danger, on l’y avait préparé durant de nombreux exercices tous aussi rudes et épuisant, mais la douceur et la patience nécessaire à l’éducation d’un enfant ? C’était particulier et il ne regrettait pas une seconde de l’avoir pris, ce risque de tout lâcher pour elle.

Epuisant ses ressources pour les nombreux voyages qu’ils avaient à deux prévus de faire, incluant la petite princesse, Bang Pae devait désormais retrouver un train de vie plus sain, travailler, laisser le second amour de sa vie à l’école à contre cœur et occuper ses journées comme il le faisait autrefois, peut-être avec moins d’appréhension cette fois, car il ne retournerait plus à la KNP. C’est une formation de garde du corps plus tard qu’il s’était mis à chercher son futur employeur. Avec son palmarès et les bonnes connaissances, il n’avait pas mis longtemps, soutenus par ses proches autant que par ses supérieurs et frères d’armes. Un homme respectable qui ne méritait pas ce coup de plomb dans l’aile. Son âme dont les morceaux avaient été recollés de justesse guérissait lentement, mais jamais plus ne serait scindée, il s’en était fait la promesse.