Ce sentiment d'être prisonnier, de ne pas être soi, de vivre une vie qui n'est pas la sienne, tu ne prenais plus la peine de compter les années où tu ressentais ce genre de chose, la seule chose qui occupait ton esprit c'était le jour où tu pourrais en finir. Pourquoi avais-tu ce genre de pensées ? Tu voulais t'en débarrasser, ne plus t'arrêter sur ce pont et fixer le courant déchaîné lorsque tu rentrais de l'école, ne plus chercher dans la pharmacie les médicaments les plus forts, ne plus jouer avec les couteaux affûtés de la cuisine.
Les médias disent qu'il faut en parler, ce n'est pas « normal » de penser ainsi . Parler, mais à qui ? A la solitude ? Au vide ? A son chat?A ses parents ? Non eux ne t'écouteraient pas, après tout c'est sûrement leur faute si tu es ainsi, ou bien est-ce celle de cette société se voulant trop parfaite, t'oppressant à son tour pour faire de toi l'élite qui rentre dans les rangs, devenir une de ses nombreuses poupées ayant oublié qui elle est, que c'était sa vie, ses choix, ses rêves.
Il est temps d'en finir, tu as trop attendu, trop subi, c'est juste trop, ces choses que tu ne comprenais pas enfant, que tu comprends maintenant te font souffrir, la douleur te tord les entrailles. Les larmes te brûlent les yeux, depuis combien de temps es-tu assis là à te morfondre sur ces vieilles histoires, sur ton lourd passé, pas si lointain bien trop présent. Quitte ce monde où tu finiras brisé, ses habitants te détruiront, ils l'ont déjà fait, ce professeur pervers qui a abusé de toi, ces amis violents, ce père infidèle, cette mère autoritaire, cet oncle trop proche de cette cousine, tu les détestent, ils te rendent malade.
Tu t'y jette, c'est violent, sombre, froid, douloureux, tu te laisse couler et emporter, ta tête se cognera bientôt dans une roche, le coup t’achèvera sur le coup, on retrouvera sûrement ton corps dans les jours qui suivent, quelle importance ? Tu seras mort, libéré. Alors que tu perds peu à peu tes sens, que tes pensées s'effacent, que tu ne ressens presque que rien, tu réussis à comprendre que l'on te sort de là, la pression sur tes bras, l'air qui fouette ton visage ne trompe pas. On t'a sauvé, ou plutôt condamné, tu avais réussi, tu allais échappé à cette réalité.
Tes yeux s'ouvrent sur un ciel gris, d'épais nuages noirs immobiles te fixent, tu ne bouges pas, tu ne trouves pas la force, tu es trempé, tu as froid, mais quelle importance, ce que tu voulais était simple ; mourir. Tu n'as donc même pas le droit de décider d'une chose aussi simple ?
Des pas se rapprochent, la police ? Les secours ? Tu n'espère pas, tu ne veux pas finir enfermé, sinon tu pourras dire adieu à une seconde chance. Quel soulagement lorsqu'un jeune homme semblant plus âgé se penche au-dessus de toi, enfin soulager est un bien grand mot car il doit être à l'origine de ton échec. « Réveillé ? » Aucun mot ne sort de ta bouche, tu as les yeux ouvert et tu respire, quelle question stupide. « Pas très bavard comme gars dis-moi. » Il doit à nouveau se contenter du silence, il soupire. « Je sais que tu m'en veux, mais je ne pouvais te laisser disparaître ainsi. » Tu ne comprenais pas pour qui il se prenait à décider de quand les gens pouvaient disparaître ou non. « Pourquoi ? » Ta voix était faible, ta gorge te brûlait, la bouche de ton interlocuteur forma un « o » il ne s'attendait pas à ce que tu prennes la parole aussi vite. « Pourquoi je t'ai sauvé ? Eh bien c'est simple, parce que tu dois vivre ! » Tu serres les poings pris de colère, tu allais le frapper dès que tu aurais regagné de la force. « Conneries. » Il s'assit à tes côtés un sourire en coin, regardant au loin, il te rappelait un de ses personnage de manga, celui remplit d'espoir qui pense que l'espèce humaine n'est pas désespéré, tu les as toujours détesté . « Absolument pas, tu dis ça parce que tu n'as pas trouvé le bon mode de vie, celui qui te correspond, celui que la société rejette. » Tu clignes des yeux surpris par sa phrase, il comprendrait ce que tu ressens ? « Tu n'es pas le seul. » Tu ressens un pincement au cœur, tu veux soudainement pleurer, encore ? Et devant un inconnu ? Non ta fierté va en prendre un coup, mais tu ne peux plus résister. Silencieusement tes larmes coulent, tandis que tes paupières se referment.

Tu es en vie, tu ne parles pas de cette vie là où tu te contente de respirer, non tu parles de celle où tu existe, où tu fais les chose que tu souhaites, où tu n'agis plus comme une poupée, tu es vivant après tant de temps passé à être une coquille remplie de mélancolie. Ce renouveau, cette renaissance ne s'est pas faite du jour au lendemain et encore moins seul, tu dois tout ça à Minsung, cet idiot inconnu qui s'était jeté à la flotte pour te remettre sur pied, tu ne lui as pas rendu la tâche facile, mais sa persévérance a fini par avoir raison de toi. Tu l'as laissé s'installer dans ta vie, dans ton cœur, il t'a entraîné dans sa folle aventure, il t'a fait découvrir un tout nouveau toi, plus heureux, plus sauvage, plus naturel, c'est à lui que tu dois ton tatouage, c'est son œuvre, un des nombreux cadeau qu'il t'a fait, l'un des plus beau. Tu ne vois pas ta vie sans lui, vous avez de grands projets , de grands rêves, sûrement trop énormes pour vous mais quelle importance, qui allait vous en empêcher ? Personne.
Tu refoule ce qui est négatif par la violence, tu es fort, rapide, que d'avantage lorsque des groupes de petits merdeux viennent chercher des ennuis à votre duo, évidemment la plupart des habitants de Masan vous connaissaient, deux énergumènes inaptes à la société, un certains nombre de personnes souhaitaient vous remettre les pendules à l'heure. Tu te bats, tandis que des sirènes retentissent au loin, elles sont pour vous, tu signales à ton ami qu'il est temps de fuir, mais comment échapper à l'un des groupes les plus puissants de cette petite ville, les voitures sont là, les gyrophares éblouissant les murs sales de ce quartier délaissé, tu entends le déclic, celui qui annonce la fin de la fête. Les flics savent déjà que leurs appels sont vains, ils ouvrent donc le feu, tirant à l'aveuglette, tu cherches du regards ton partenaire afin de te mettre à couvert dans un coin, un balle vient frôler ton bras t'arrachant un couinement de surprise, tu viens coller ton corps à terre contre le bitume froid et le sang frais. Tu devrais partir, rester ici ne t'apporte rien, tu le sais mais sa présence te retiens, tu avance du mieux que tu peux, les coups cesses quelques minutes après, ils arrêtent les survivants, tandis que tu te figes. Qu'espérais-tu ? Qu'il serait épargné ? Bien sûr que non, ces soi-disant défenseurs de la justice ne prennent pas la peine de faire la différence tant qu'ils ont leurs salaires à la fin du mois la vie des gens comme nous importe peu. Tu ne peux pas les laisser t'avoir, tu clos les yeux de ton ami en t'excusant de le laisser ainsi avant de t'enfuir, tu cours encore et encore, jusqu'à chez toi, tu commence par laver tes mains couvertes de sang avant d'aller t'enfermer dans ta chambre où tu cris de rage, un cri tout sauf humain plutôt animal sauvage. Jamais tu ne leurs pardonneras d'avoir pris sa vie de cette façon, tu prends ta batte sans plus attendre, il faut que tu évacues, tu sors à nouveau, tu brise ce qui se trouvent sur ton chemin. Tu finis par t'arrêter au bord de la rivière la respiration saccadée, tu es perdu, sa présence donnait un sens à ta vie, maintenant tu ne savais plus. Tu te rends à la supérette où tu achètes deux packs de bières, tu quittes la ville d'un pas lasse, tu arrives rapidement au pied d'une bâtisse délaissée, tu accèdes au toit de cette dernière où tu t'assois, tu ouvre une canette et bois, tu les enchaînes une à une jusqu'à être complètement saoul et te mettre à te parler à toi-même en pleurant, tes souvenirs de cette soirée bien que flous sont présents, chaque fois qu'ils font surfaces tu te méprises d'avoir agi ainsi.
Plusieurs jours passent, tu as du mal à t'en remettre, mais tu as réfléchi, tu sais ce que tu dois faire, tout d'abord, ne pas retomber aux bras de tes démons, les actes de Minsung n'auront pas été inutiles, ensuite tu dois t'assurer qu'il est une sépulture digne de lui, et pour finir partir. Tu t'attaques directement à la seconde tâche, tu fais de ton mieux mais tu réussis, tu es soulagé de voir que tu n'étais pas le seul à aimer et chérir Minsung, ils sont peu mais précieux, avec l'aide de ces personnes tu t'occupe du studio de ton ami, tu y récupère son collier favoris et le garde pour toi, il ne quittera jamais ta nuque.
Tu as terminé de t'occuper de ce qui le concerne, il est temps de partir, tu connais déjà ta destination, Busan. Tu prends ton sac à dos, ta valise enfin prêts, tes parents sont absents, au travail, en enfer, l'endroit où ils se trouvent tu n'y portes pas d'importance, car il y a une chose que tu sais, lorsqu'ils reviendront tu ne seras plus là. Ce qui restera de toi seront les photos, leurs souvenirs erronés, tu ne poses pas la question sur leur réaction, tu n'attends rien venant d'eux. Tu clos la porte en fixant quelques instants cette maison où tu as grandi, sans un mot tu entame ta route jusqu'à l'arrêt de bus, il s'agit là d'un troisième nouveau départ, tu espères qu'il s'agit du dernier.